Les mauvais comptes verts de Sarkozy

Publié le par Le Veilleur

Intox.

 
C’est une des rengaines de l’UMP depuis les élections européennes : «Chaque euro consacré au nucléaire sera doublé d’un euro pour les énergies propres.» Nicolas Sarkozy, le 9 juin à Chambéry, lors d’une table ronde sur les énergies renouvelables, déclarait :
«Je me suis dit, le même argent que l’on met dans les centrales nouvelles générations EPR, on va le mettre dans les énergies renouvelables, c’est un objectif de parité et je le réaffirme, non pas à l’horizon 2015 ou 2020, mais tout de suite, maintenant.»

Desintox.

 La «version originale» de cet engagement remonte à octobre 2007 et au discours de clôture du Grenelle. Nicolas Sarkozy y avait affirmé : « Là où nous dépensons un euro pour le nucléaire, nous dépenserons le même euro pour la recherche sur les technologies propres et sur la prévention des atteintes à l’environnement.» Mais le 9 juin, dans son intervention consacrée aux énergies renouvelables (ENR), il a été plus ambitieux : «Je me suis dit, le même argent qu’on met dans les centrales nouvelles générations EPR, on va le mettre dans les énergies renouvelables, c’est un objectif de parité et je le réaffirme.» L’objectif est donc désormais de parvenir à la parité entre le nucléaire et les seules ENR. Mais de quelle parité parle-t-on, au juste ? «On ne sait pas trop si le Président parlait des investissements industriels sur le territoire français, de la recherche. Ce n’est pas très clair», s’interroge un directeur de recherche. L’évocation par Sarkozy des sommes investies dans les réacteurs de troisième génération (les EPR) a particulièrement intrigué les spécialistes : «S’il veut consacrer aux énergies renouvelables autant que ce que coûtent les deux EPR français [10 milliards ndlr], il va falloir s’accrocher», s’amusait-on chez Areva.


Le nouveau slogan présidentiel a également provoqué un flottement cocasse dans la com’ du ministère de l’Ecologie. Le 10 juin, sur Canal +, Jean-Louis Borloo assurait que l’objectif de parité était largement dépassé : «On est bien au delà aujourd’hui de un pour un. On est en matière d’énergie renouvelable sur des chiffres qui n’ont plus rien à voir avec le nucléaire. Pour le nucléaire, on fait juste des remplacements, c’est quelque chose de relativement faible.» Le surlendemain, sur LCI, Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, affirmait exactement l’inverse : «Le Président a dit : "Dès qu’on met un euro dans le nucléaire, on met un euro dans les énergies renouvelables." On est encore très loin de ça aujourd’hui.» Explication de ce cafouillage : Borloo parle d’investissements sur le parc nucléaire existant (mais omet dans son calcul les investissements dans les futurs EPR cités par Sarkozy), alors que Jouanno parle, elle, des budgets publics de recherche. Interrogée par Libération, la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie nous a finalement confirmé que l’objectif était d’atteindre la parité entre les budgets de recherche publique. Et d’affirmer : «Aujourd’hui, le rapport est de un à deux, avec 400 millions d’euros pour le nucléaire contre 200 millions pour les énergies renouvelables.»


Tâchons de vérifier : la loi de finance 2009 prévoit 440 millions d’euros pour la seule recherche nucléaire. Côté ENR, l’Etat contribue à la recherche essentiellement à travers l’ANR (Agence nationale de la recherche) et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). L’ANR revendique un budget de 70 à 80 millions d’euros dédié à l’énergie. Une somme qui couvre les travaux sur les ENR, mais aussi le stockage de l’énergie, la pile à combustible, ou l’efficacité énergétique. L’Ademe, de son côté, a été dotée de 400 millions d’euros sur quatre ans au titre des «fonds démonstrateurs» («terrains d’expérimentation» des nouvelles technologies de l’énergie avant le passage à l’échelle industrielle), et bénéficie en sus de 50 millions d’euros pour financer des projets. Mais là encore, ces sommes ne sont pas réservées aux seules ENR. En clair, on est bien loin de la parité, et pas encore au niveau des 200 millions évoqués par Chantal Jouanno. Les acteurs de la recherche assurent toutefois que la dynamique est «positive». On part de loin. Les derniers chiffres consolidés de la recherche publique (pour l’année 2006) faisaient état de 477 millions d’euros pour le nucléaire contre 52 pour les ENR.


Source Liberation.fr

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